Le centre socio-éducatif Imagine à Kaolack, Sénégal

L’association allemande Imagine Nord-Sud e.V. fondée en 2003, s’est décidée à pérenniser ses projets sur Kaolack et environs par la construction en 2012 d’un centre socio-éducatif à la périphérie de cette ville dont la population a explosé depuis 20 ans, sans que les infrastructures suivent.

Le fonctionnement :

A partir du constat fait au cours des années précédentes, des difficultés scolaires rencontrées par les élèves et des nombreux abandons prématurés de scolarité qui s’en suivent, nous avons décidé ensemble avec nos partenaires des associations Imagine Kaolack d’agir en amont par la création d’un groupe préscolaire bilingue (wolof-français), et en aval par une formation de couture plus alphabétisation pour des jeunes filles et jeunes femmes à scolarité réduite.

Pendant quatre années, nous avons poursuivi et développé ces deux activités, avec un personnel motivé et stable, renforcé par de jeunes stagiaires dynamiques. Peu à peu, des parents d’élèves du groupe préscolaire commençaient à nous demander de poursuivre avec des classes d’école élémentaire. Cela rejoignait notre propre souhait de créer une école élémentaire bilingue, voyant que les résultats scolaires de notre quartier étaient catastrophiques, à l’image d’autres quartiers à classes pléthoriques.

Les difficultés d’apprendre :

Il n’est pas facile pour un enfant d’apprendre à lire et écrire directement dans une langue qu’il ne connait pas. C’est ce qu’on demande aux enfants au Sénégal, alors que la plupart des enfants sont socialisés dans une ou parfois deux langues locales, n’entendant que très occasionnellement parler français.

Dans ce contexte, se retrouver dans une classe de plus de 40 élèves – parfois même le double, gérée en « double flux », avec un peu plus de la moitié de l’horaire normal – c’est une gageure pour les enseignants et pour les jeunes enfants. Les élèves rêveurs ou peu motivés seront vite « dépassés », les mots étrangers seront répétés et recopiés sans compréhension et le contenu des cours restera mystérieux ou flou pendant longtemps…ou pour toujours.

Si le but de l’école n’est pas de former seulement une « élite », mais de donner les connaissances et compétences de base – sur lesquelles l’individu peut construire tout au long de sa vie à tous les enfants, il faut que la transmission soit faite dans la langue quotidienne de leur environnement. Le français restant la langue officielle, commune à de nombreux pays en Afrique, et langue des études secondaires et supérieures, il faut en même temps donner un maximum de chances d’acquérir les bases de compréhension et d’utilisation active de cette langue à tous les enfants.

Nos choix :

C ’est pour cela que nous avons opté pour un enseignement bilingue wolof-français dans notre école, en enseignant toutes les matières dans les deux langues, mais réservant lecture et écriture systématique en français pour la deuxième année, quand les élèves sauront déjà lire dans leur propre langue, pour faciliter cette acquisition et travailler la compréhension et l’expression orale en français avant d’ »attaquer » l’écrit .

Les résultats :

A la rentrée de 2016-17, nous avons commencé avec la première classe du cycle élémentaire le CI, ajoutant chaque année une nouvelle classe. Le succès de notre démarche – les enfants réussissent presque tous à lire en wolof au bout de la première année, alors qu’il faut habituellement trois à quatre années pour la plupart des enfants – a convaincu et attiré de plus en plus de parents vers notre école.

Plusieurs familles amenaient des enfants en grande difficulté – et parfois sur le point d’abandonner – dans notre école, alors qu’ils étaient dans des classes supérieures à nos plus grands. Nous avons alors ajouté un deuxième niveau à notre classe de CP pas très nombreuse, et ces élèves ont tous très vite progressé, même en français, grâce à l’enseignement en wolof !

Entre-temps, d’autres élèves les ont rejoints, et nous avons maintenant cinq classes – CI, CP, CE1, CE2 et CM1 – après quatre années de fonctionnement, ce qui veut dire que l’année prochaine, le cycle élémentaire sera complet, et nous présenterons nos élèves de CM2 aux examens pour l’obtention du Certificat de Fin d’Etudes Elémentaires (CFEE) qui se fait en français seul.

Cette année, le Sénégal a également fermé les écoles dès que les premiers cas d’infection avec le covid19 sont apparus, et elles ne vont ouvrir que pour les classes d’examen (CM2, 3e du collège et terminale du lycée) au début du mois de juin. La plupart de nos élèves venant de familles très modestes, il était impossible d’organiser une poursuite des cours par les moyens informatiques, et nous avons quelques craintes par rapport à la reprise. Mais nous pouvons compter sur la motivation de nos enseignants et de nos élèves, pour redémarrer avec énergie redoublée à la rentrée prochaine, car en plus de notre fonctionnement bilingue, nous avons su créer une ambiance de travail et de vie scolaire joyeuse et optimiste que nous comptons bien réactiver.

Quant à la formation d’adolescents et jeunes adultes, nous poursuivons les cours de couture, avec toujours plus d’options, cours de teinture, de fabrication d’objets artisanaux qui pourront être mis en vente dans le village artisanal où va démarrer prochainement notre projet de formation et vente pour et avec des personnes handicapées de Kaolack.

Sur nos deux lieux d’activité, la demande de formation et utilisation des moyens informatiques est grande et nous espérons commencer des cours dès la rentrée 2020-2021.

Maria SCHNEIDER WILANE – Fondatrice et présidente de l’association Imagine Nord-Sud