Bénin, la Maternelle communautaire dans le village d’Aïdjedo – paroles de villageois

Cette interview a été réalisée (en langue fon) à la demande du REPTA, auprès de la communauté villageoise de Aïdjédo, afin de retracer l’évolution d’une maternelle communautaire depuis son origine, sa mise en œuvre, son développement et sa pérennité. Nous voulions savoir ce qu’un tel projet apporte non seulement aux enfants mais au village tout entier. Nous vous rapportons ici leurs paroles.

« L’histoire remonte aux années 1999/2000 : les petits enfants sont nombreux dans le village. La garde en est confiée aux grands frères et aux grandes sœurs pour permettre aux mamans de vaquer à leurs activités. Les ainés sont le plus souvent déscolarisés. Très touchés par cette situation, l’association béninoise Initiative Développement Pêche (ID Pêche) a recensé les enfants, provoqué des réunions : les doléances étaient les suivantes :

  • Scolariser les enfants en bas âge comme dans les grandes villes.
  • Trouver des solutions pour la garde des enfants afin que les mères puissent développer leurs activités économiques (commercialisation du poisson, maraîchage transformation du manioc en gari…).

En 2005, la création d’une maison maternelle communautaire a débuté par la construction d’un hangar en matériaux précaires. Les femmes se relayent pour s’occuper des enfants. Les hommes veillent au maintien en bon état du hangar.

En 2007 le village se mobilise pour construire une « paillotte » : le nombre des enfants oscille entre 45 et 50 enfants. Une maîtresse a été recrutée par le village. Elle était bénévole mais avait suivi une formation auprès des formateurs de ID Pêche.

E n temps de pluie les enfants étaient mouillés sous la paillotte et on essayait de les déplacer dans les maisons voisines. Ils ont un repas à midi : le prix est fixé à 100 CFA mais certains parents ont du mal à payer. Ce sont les mamans qui à tour de rôle préparent les repas et secondent la maîtresse. Nous avons créé un petit poulailler : la vente des œufs nous a permis d’acheter des tableaux, des ardoises, un peu de vaisselle. Des étudiants français avaient réuni assez d’argent pour construire un poulailler plus important : les enfants ont pu manger des œufs.

La vente des œufs a permis d’acheter un peu de matériel et de payer en partie la maîtresse qui a été félicitée car elle venait régulièrement et faisait bien son travail.

En 2013 la ville du Perreux-sur-Marne a donné une subvention pour une construction en dur, l’association ID Pêche a construit les sanitaires, une jeune béninoise a offert l’adduction d’eau.

T ous les enfants du village vont à l’école. Ils sont éveillés, propres, s’expriment librement, se lavent les mains avec du savon, disent des mots en français. Ils ont de bons résultats lorsqu’ils arrivent à l’école primaire : ils facilitent la tâche aux enseignants, ne sont pas dépaysés, sont les meilleurs et ne redoublent jamais leur classe. Nous avons changé notre regard sur nos enfants, ils sont traités avec plus de douceur car ils connaissent beaucoup de choses. Les sévices infligés jadis diminuent.

Les anciens sont très contents et disent qu’ils auraient pu mieux réussir leur vie si, en leur temps, ils avaient pu bénéficier de telles choses ».

La maternelle communautaire a donc apporté des changements au village :

  • Les enfants ne traînent plus dans le village.
  • Aussi bien les filles que les garçons vont à l’école et sont suivis.
  • Ils ont l’eau courante à l’école et disposent de toilettes.
  • Nous, les mamans, vaquons librement à nos occupations et les activités féminines marchent mieux.
  • Les enfants sont épanouis et travaillent bien à l’école.
  • Le village a bénéficié d’une construction en matériaux définitifs.
  • Les enfants mangent un repas de qualité en commun à midi.
  • Nous, les mamans, avons changé de mode de vie, les enfants nous sensibilisent à l’importance de l’hygiène.
  • Les enfants bénéficient d’un contrôle sanitaire mensuel.
  • Les parents se réunissent deux fois par an pour échanger sur l’évolution des activités de l’école.

Des améliorations seront apportées : le poulailler sera agrandi grâce à une subvention du Conseil Général du Val de Marne. Un poste d’animalier sera créé.

Ce projet de garde d’enfants a interrogé tout le village. La communauté a trouvé des solutions qui ont évolué au fil du temps. Le regard des adultes sur les enfants a changé. Et l’histoire n’est pas terminée car les villageois pensent toujours à ce qu’ils pourraient faire de mieux pour « leur école ».


Nous sommes en 2020 et la situation a évolué : grâce à des panneaux solaires financés par la ville du Perreux-sur-Marne, les écoliers, collégiens et lycéens du village peuvent maintenant faire leurs devoirs à la lumière, les villageois peuvent tenir des réunions en soirée et recharger leur portable. Le REPTA a doté la structure d’un tableau numérique interactif qui permet pour les jeunes enfants d’associer son, image, et début d’écriture. Les villageois ont construit des jeux d’extérieur (avec des pneus). L’association béninoise Initiative Développement Pêche, appuyée par l’association de solidarité internationale Bénin Vi Bibi (enfants éveillés du Bénin en langue fon), membre du REPTA, a ouvert dans les villages de pêcheurs du sud Bénin 25 maternelles communautaires.

www.beninvibibi.com