Lors de ma dernière communication téléphonique avec Gaby, nous nous promettions de nous revoir au mois de janvier 2022 pour poursuivre nos « conversations transformationnelles ». Ce sera notre premier rendez-vous manqué depuis que nous nous sommes rencontrés il y a plus d’une vingtaine d’années. Le Gaby que j’ai connu se résume avant tout comme un militant de la transformation. Sa cause, l’épanouissement humain. Mais sa quête de l’idéal n’était pas utopique. Il recherchait et trouvait souvent le temps et l’espace de réalisations concrètes du bonheur humain dans les facteurs et conditions d’émergence de l’innovation propice. En ce sens, Gaby était un idéaliste pragmatique. Une fois le projet d’innovation pensé, il savait consulter les esprits compétents, dialoguer avec les acteurs et partenaires possibles, mobiliser les capacités et les ressources nécessaires, sans préjugé idéologique ou politique, afin de trouver les voies et modalités d’une mise en œuvre. En vérité, il pouvait traverser les frontières des clivages traditionnels car il était insoupçonnable d’opportunisme pour des profits personnels. C’est donc bien ce souci constant de l’épanouissement humain qu’il a démontré dans son terrain expérimental de prédilection : l’éducation. Ce qui le guidait, c’est la compréhension profonde que le plein épanouissement humain exigeait l’effectivité et l’universalité du droit à l’éducation. Alors, il se donnait pour priorité le ciblage de celles et de ceux qui en étaient exclus. Il ne s’agissait pas simplement de leur offrir l’accès à l’éducation mais aussi les opportunités d’apprentissage répondant à leurs besoins spécifiques. Car Gaby était un adepte de la réussite pour toutes et pour tous, du bonheur dans et par l’apprentissage, de la joie dans les classes et dans les écoles et de toute la pertinence des apprentissages qui donne du sens à l’exercice du droit à l’éducation.
C’est aussi tout cela qu’il a voulu réaliser au bénéfice des enfants, des jeunes et des moins jeunes d’Afrique dans le respect de leur identité culturelle, de leur patrimoine et de leur potentiel endogènes. Gaby a ainsi mobilisé en direction de ces objectifs, avec une réussite exceptionnelle, la solidarité internationale en fondant le GREF en 1990, puis le REPTA en 2004. Les axes stratégiques d’action qu’il a impulsés sont porteurs : développement professionnel des enseignants à travers le partage entre pairs pour faire évoluer les cultures et pratiques pédagogiques vers le socio-constructivisme, promotion du bilinguisme pour faciliter les premiers apprentissages à travers l’utilisation de la langue première de l’enfant comme langue initiale d’enseignement, utilisation du tableau et des ressources numériques pour enrichir l’environnement des apprentissages sans compter les écoles de seconde chance, les initiatives pour l’éducation des filles et des femmes, les programmes d’alphabétisation professionnalisants ainsi que d’autres alternatives en faveur de l’inclusion de toutes et de tous… Gaby avait le génie d’identifier les leviers catalytiques à même de transformer les systèmes éducatifs dans la perspective de l’éducation pour tous. Toutefois, il ne perdait pas de vue les limites d’échelle de telles initiatives. Il misait donc sur la réussite afin que ces projets fassent tache d’huile et s’étendent dans l’environnement en vue d’une généralisation de l’innovation. C’est à cette fin qu’il se mobilisait de manière infatigable et ne manquait aucune opportunité pour mener le plaidoyer auprès des autorités nationales et des organismes de coopération internationale.
Gaby nous laisse donc une œuvre immense de vision clairvoyante, d’engagement généreux, d’innovation féconde et de pragmatisme progressiste au service de l’épanouissement de l’humain. Il l’a portée avec une énergie inépuisable, une intelligence débordante, des réussites incontestables. Cependant l’œuvre reste inachevée et Gaby va désormais nous manquer C’est aussi pourquoi le meilleur hommage post mortem que nous pouvons rendre à Gaby est de poursuivre et développer cette œuvre. En ce sens, je me réjouis de l’exploration en cours de possibles impacts inter-organisationnels dans laquelle se sont engagés le GREF et le REPTA car elle s’inscrit certainement dans cette perspective de synergie de forces et d’actions en faveur du processus transformationnel pour lequel Gaby s’est tant donné.
A sa femme, à ses enfants, à ses amis, camarades et compagnons d’engagement, je présente mes sincères condoléances ainsi que mes sentiments de solidarité et de compassion face à cette terrible et immense perte.
Mamadou Ndoye
Président d’honneur du REPTA